lundi 1 août 2011

Le témoignage de Florence, 42 ans. Elle raconte ses souffrances et la façon dont elle a un jour réagi…


Vous avez été maltraitée de nombreuses années, par votre conjoint, racontez-nous...
Je suis restée 15 ans mariée. Au début, tout allait bien. Nous avions une relation très passionnelle. Très fusionnelle. Nous nous sommes mariés très jeunes, tous les deux. Nous avions à peine 20 ans. Nous avons fait nos études ensemble. Mais rapidement, nous avons eu une relation conflictuelle. Mon mari est devenu jaloux, possessif, exclusif. J’ai mis ça sur le compte de cette relation passionnelle. Je trouvais ça valorisant, pour moi, cette jalousie. En fait, j’aimais qu’il pense que tous les hommes me désiraient. J’avais l’impression d’être plus désirable pour lui.

Comment cela a-t-il dégénéré ?

Progressivement, ça a dégénéré. Je ne pouvais plus rentrer de mon travail sans subir un véritable interrogatoire. Qui j’avais vu, à qui j’avais parlé, ce que j’avais dit, ce que ça m’avait fait, est-ce que j’avais envie d’autre chose avec ces personnes... C’est vrai que ça me faisait rire, au début. Mais après c’est devenu insupportable. Je répondais. Toujours, je répondais. J’avais envie de le rassurer.
On s’est retrouvé, comme ça, progressivement, dans une relation bourreau-victime. J’avais l’impression de faire tout ce que je pouvais pour lui faire plaisir et pour le rassurer. J’étais douce et gentille avec lui. Je m’efforçais d’être toujours d’accord avec lui, pour qu’il soit bien avec moi. Pour qu’il m’aime. Et puis ça s’est aggravé. Un soir, il a commencé à me frapper. Au début, c’était des claques. Que je prenais, encore, pour des marques d’amour. J’étais triste, mais je me disais qu’il me frappait par amour. Et, au fond, ça me rassurait.

À partir de quand avez-vous décidé de partir ?

À cause des enfants. Nous avons deux garçons. Nous avions des scènes, sans arrêt. Quand les enfants étaient petits, je me disais qu’ils ne se rendaient pas compte. Mais un jour, j’ai vu le visage de mon fils aîné. Terrifié. Mon mari venait de me frapper. Mon fils l’avait vu. C’est dans le regard de mon enfant que j’ai compris que ce n’était plus possible. Je ne pouvais pas lui imposer cette violence. Ce n’était pas pour moi, mais pour lui.
Nous parlions de tout cela avec mon mari. Quand il me frappait, après, il était triste, autant que moi. Il me demandait pardon. Il disait que c’était parce qu’il m’aimait trop. Qu’il ne pouvait pas supporter l’idée que je le quitte. À chaque fois, il me promettait de ne pas recommencer. Et chaque fois, je le croyais. Mais ça recommençait. Evidemment. Il m’a fallu beaucoup de temps pour réussir à partir. J’avais l’impression que jamais je ne pourrais m’en sortir toute seule. Pourtant, j’avais mon travail. Mais j’avais l’impression d’être sur une falaise, et que partir, c’était sauter dans le vide. Que je risquais d’en mourir. Je l’ai fait. J’ai changé de ville.

Et votre mari… il l’a accepté ?

Non, jamais. Pendant des années, il m’a fait des menaces épouvantables. Le divorce a été terrible. J’avais peur tout le temps. Il a cessé de travailler, lui. Il s’est mis à boire. Il est devenu une épave. Vraiment. Nous ne nous voyons plus jamais. Pendant longtemps, il n’a même pas revu ses fils. Cela fait peu de temps qu’il les reçoit chez lui. Mais, il continue à dire des choses horribles sur moi, à ses propres enfants.

Et vous, comment vous en êtes vous sortie ?

J’ai entamé une thérapie. C’est là que j’ai commencé à comprendre ce qui n’allait pas, chez moi aussi. En fait, j’ai compris que je souffrais d’un terrible complexe d’infériorité. Une mauvaise estime de moi. J’ai compris que cela avait à voir avec mes parents. C’est vrai que mes parents avaient une relation conflictuelle. C’est aussi pour ça que je me suis mariée jeune. Ce conflit, je crois qu’ils m’en rendaient responsable. À leurs yeux, je n’étais bonne à rien. J’avais l’impression d’être laide, d’être nulle. De ne pas être digne d’amour ni de respect.
Grâce à cette thérapie, je me donne un peu de consistance. Je me remplis. J’arrive à me regarder et à me dire que je suis bonne à quelque chose. Je travaille et je réussis bien dans mon travail. J’élève mes enfants toute seule. J’y arrive. J’ai maintenant un autre compagnon. Pas très aimant, c’est vrai. Pas très présent, non plus. Mais tendre quand même. Je crois que je ne suis pas sortie de tout ça. Mais je sens que la thérapie m’aide à devenir moi-même. Je n’ai pas fini ma croissance… pas encore !