lundi 3 décembre 2012

Conditionnement sexiste dans l'éducation - 13 Novembre 2012

Depuis 9 ans maintenant l’association Tout Feu Tout Femme, organise rencontres, débats et spectacles visant à mettre en avant les femmes dans la société. Les sujets abordés pointent du doigt le long chemin qu’il reste encore à parcourir pour pouvoir enfin parler d’égalité. Pour sa 9ème  édition du 13 au 15 novembre 2012, le festival vous a proposé trois jours de tables rondes animées par la journaliste Rokhaya DIALLO.

Rokhaya DIALLO


CONDITIONNEMENT SEXISTE DANS L’EDUCATION

 

INTERVENANTS :

ROKHAYA DIALLO, animatrice télé et radio, chroniqueuse et fondatrice de l’association « Les Indivisibles »
BRIGITTE LAMOURI, chargée de Mission Départementale aux Droits des Femmes et à l’Égalité.
ELSA ARVANITIS, diplômée en sociologie des rapports sociaux de sexe, elle milite à Mix-Cité 31, association féministe mixte pour l'égalité des sexes et des sexualités.
BEATRICE GAMBA, éditrice de profession et militante depuis 1999 à l'association Mix-Cité Paris, mouvement mixte pour l'égalité des sexes et des sexualités.



Ces trois jours de conférences vont permettre d’aborder de manière non exhaustive les stéréotypes face auxquels les femmes sont confrontées tous les jours.   

Le mot sexisme est un mot des années 60. Il se définit par une attitude discriminante selon le sexe (il peut s’apparenter au racisme). Il renvoie à la construction « genrée » de la société, attribuant des rôles par rapport à « des prédispositions ». Celles des femmes sont rarement à leur avantage.

De manière générale, on admet que le « masculin l’emporte sur le féminin ».

C’est lors de la petite enfance que tout se joue, car avant 3 ans, les enfants ne sont ni hommes ni femmes, mais c’est l’éducation qui construit leurs personnalités. Il n’est pas rare d’entendre dire :
-         A une petite fille : « Pleure, ça te fera du bien...» ;
-         A un petit garçon : « Ne pleure pas, soit fort !».

L’éducation aujourd’hui transmet un héritage social. Les attentes n’ont jamais été les mêmes entre filles et garçons : les filles ont pour rôle de gérer l’intérieur, les garçons ont pour rôle la gestion de la vie extérieure. Les sphères interne/externe ont des gouvernements séparés, les pouvoirs y ont été séparés jusque dans les années 70.  

On remarquera que la situation de la femme n’a jamais évolué aussi vite que depuis le début du 20ème siècle. Nous sommes aujourd’hui à ce que l’on peut considérer comme la 3ème génération de femmes :
-       La 1ère génération a subi une « discrimination légale » ;
-       La 2ème génération a vu la création de droits nouveaux ;
-       La 3ème génération, celle d’aujourd’hui, est celle de la lutte contre les stéréotypes et pour l’effectivité des lois.

Mais si on se porte sur les quelques chiffres suivants, on remarque qu’il reste encore beaucoup de chemin à faire, car :
-          82% des personnes au SMIC sont des femmes ;
-         Les écarts de salaire entre les hommes et les femmes sur des postes similaires est en moyenne de 27% ;
-          Les emplois des femmes sont (dans la grande majorité) regroupés sur 10 corps de métier liés à la sphère interne : soins, ménage, esthétique, administratif...) ;
-     Malgré le fait que les femmes représentent 40% des effectifs des filières scientifiques dans les lycées, elles ne représentent plus que 16% des effectifs dans les études scientifiques supérieures ;
-          Encore chaque jour en France 200 femmes sont victimes de viols.
-          ...

Malgré un contexte législatif, juridique et social poussant à l’égalité entre les hommes et les femmes, les faits ont en réalité bien du mal à suivre. Pourquoi ?

Cette situation est due à un cumul de petits éléments qui font la construction de l’individu tout au long de l’éducation : en résumé une transmission sexiste. Les véhicules de stéréotypes sont nombreux depuis l’enfance : les jouets, la télévision, l’encadrement privé et public...

Qui est responsable ? Qui à le pouvoir de changer les choses ? L‘État ? L’individu ?

Au niveau des actions publiques, un travail de longue haleine est opéré auprès des médias, des publicitaires ; mais aussi auprès du Pôle Emploi afin d’améliorer la diversité des postes proposés ; auprès de la petite enfance dans la rédaction des manuels scolaires, des jeux proposés...

Pour agir dans la sphère privée, des actions sont menées dans le secteur de l’habillement, des jeux vidéo, et des jouets en tous genres.

L’analyse des jeux d’enfants montre bien comment ils influent sur leur interprétation de leur environnement (notamment au travers de leur représentation publicitaire) :
-       Pour les filles : les poupées sensées leur apprendre à être une bonne maman ; les jouets ménage : pour bien entretenir sa maison ; le maquillage pour être bien apprêtée et plaire ; les sentiments : avec des jeux de société développant la complicité entre copines ; les soins aux autres (via des animaux virtuels...) ; l’attente du prince charmant...
-        Pour les garçons : des jeux techniques pour devenir stratège ; faire du bricolage ou de l’informatique ; des jeux de conquête : développer sa puissance, être en extérieur ; jouets avec des véhicules ; les super héros ; jeux de guerre avec des armes ultra réalistes.

Ce sont deux modèles diversifiant et excluant, voire même montant un genre homophobe avec des stéréotypes guerrier/princesse.
L’idéologie sexiste est largement utilisée par les fabricants pour des raisons économiques : il représente pour la période de Noël un budget par enfant en moyenne de 268€ ! Les fabricants de jouets investissent 51 millions d’euros dans la publicité seulement pour Noël.
Aujourd’hui, pour vendre plus, la tendance est même à transformer des jeux unisexes en jouets sexués, comme par exemple le Monopoly Rose, spécialement pensé pour les filles !

[ Référence bibliographique : « Contre les jouets sexistes »).

La littérature jeunesse poursuit également des schémas stéréotypés dans les magazines pour les tout-petits : il y a moins de filles que de garçons dans les scenarii, alors qu’il y a une majorité de lectrice (ce point a appuyé les éditeurs à intégrer plus d’héroïnes : +40%). Ce point serait justifié par le fait que « le masculin est considéré comme universel ». De plus, un livre dont le héro est un garçon sera acheté pour des filles ou des garçons ; alors que si le livre a une héroïne,  il sera acheté principalement pour des filles.

Les termes utilisés en littératures enferment les enfants dans des rôles prédéfinis :
-         Les filles sont « chipies », « coquettes, « amoureuses, « jalouses » ; ont des activités ou des métiers culturellement attribués aux femmes (les mamans ont rarement une activité professionnelle, ou alors une stéréotypée : infirmière, maîtresse d’école...) ; elles sont souvent représentées à l’intérieur, à la maison ; lorsqu’elles sont dans des groupes, elles sont des « faire-valoir », elles accompagnent ou observent.
-        Les garçons sont « courageux », « malins » ; ils « affrontent » et « découvrent », ce sont des « aventuriers »...

Ex : Martine, les Monsieur et Madame, Tchoupi, Oui-Oui, les princesses & les chevaliers...

Certains éditeurs travaillent sur des images alternatives, où des filles sont présentées dans d’autres schémas : « La princesse et le dragon » « Marre du rose » (aux éditions Talents Hauts).

Il existe des magazines considérés comme mixtes, mais malgré leur neutralité annoncée, ne présente que rarement une fille en couverture (jamais une fille seule, ou bien dans un rôle « féminin » - “Elle est amoureuse”)

Ex : Collection La Cabane Mixte avec les aventures de Max et Lili - les personnages sont filles et garçons mélangés, mais il y a une légère tendance à retrouver Lili dans des histoires qui touchent plutôt les filles, et Max les garçons -.

Dans les livres pour les plus de huit ans, on trouve vraiment une différenciation. Il existe une pléiade de magazines spécialement conçus pour les filles qui traitent de sujets relatifs aux bijoux, aux copines, aux vêtements...

En revanche il n’y a pas de magazines spécialement édités pour les garçons (ils sont la « normalité », « l’Humanité », il n’est donc pas nécessaire de leur en dédier).

Les personnages féminins des contes traditionnels pourraient être classés en deux catégories :
-          Les princesses douces et passives  (Belle au Bois Dormant...),
-       Les marâtres, sorcières méchantes et malveillantes (dans les contes de Grimm, 80% des personnages féminins ont des rôles négatifs).

Quelles sont les conséquences de cet environnement sur nos enfants ?

Les petites filles ont généralement moins confiance en elles. Elles osent moins prendre de l’espace dans la cour de récréation, malgré de bons résultats à l’école (souvent même meilleurs que ceux des garçons) elles sont moins aptes à prendre la parole en classe, 15% des petites filles aimeraient être des garçons.

Le dictionnaire des écoliers donne pour définition : la « Mère » est  celle qui a des enfants, le « Père » est le chef de famille.

On constate que tous les éléments de l’environnement des enfants vont dans le même sens : au-delà de l’éducation même, les jouets et les livres confortent l’instauration de ces préjugés comme normalité.

Débat et questions :

Comment influer les publicitaires ?
 Les publicitaires influencent les modes via les médias, mais ils ne répondent qu’à des exigences économiques, aussi il est quasi impossible de faire pression auprès de ces derniers. La seule possibilité pour faire changer les choses est de rendre les consommateurs responsables : informer les parents et les inciter à faire de vrais choix pour apporter un véritable équilibre à leurs enfants.
Par exemple si les parents boycottent les produits stéréotypés, les industriels du jouet - comme les éditeurs et enfin les publicitaires qu’ils mandatent - finiront par modifier leurs approches.

Est-ce que ces différenciations que l’on trouve dans la sphère privée se retrouvent dans la sphère publique (malgré les politiques d’égalité mises en place aujourd’hui) ?
Dans les structures d’accueil collectives (les crèches...) les jeux proposés sont asexués ; mais le personnel de ces lieux d’accueil reste essentiellement féminin. L’essentiel du travail dans ces lieux réside à la sensibilisation du personnel encadrant.
N.B. : Une crèche pilote (Bourdarias à Saint-Ouen) réalise un travail sur le choix des jouets, sur la façon de parler aux enfants, et d’impliquer leurs parents.

Les garçons prennent plus souvent la parole - même au sein d’association féministe comme Mix’ Cité qui s’était prêté au jeu lors de l’observation d’une réunion - ce fait est inconscient, ni les hommes, ni les femmes du groupe de parole ne s’en aperçoivent. Ceci est aussi dû au fait que les femmes réfléchissent plus à l’intérêt de leur propos avant de lancer leur idée : « Est-ce que ce que j’ai à dire est intéressant dans la discussion en cours ? ». Elles sont bien souvent très exigeantes avec elles-mêmes.

On parle souvent de racisme, peu de sexisme.
Afin de comprendre l’importance de traiter ce problème comme l’on traite les problèmes de racisme, il faudrait remplacer le terme « Homme » par « Blanc », et « Femme » par « Noir » dans des situations de la vie courante...
A méditer...

dimanche 2 décembre 2012

Les femmes et la représentation politique - 14 Novembre 2012

LES FEMMES ET LA  REPRESENTATION POLITIQUE


INTERVENANTS :

ROKHAYA DIALLO, animatrice télé et radio, chroniqueuse de fondatrice de l’association « Les Indivisibles »
BRIGITTE LAMOURI, chargée De Mission Départemental aux Droits des Femmes et à l’Égalité.  
REJANE SENAC, chercheure CNRS au Centre de recherches politiques de Sciences Po - CEVIPOF, enseigne à Sciences Po Paris et aux Universités Sorbonne nouvelle et Pierre et Marie Curie, elle a en particulier publié le "Que sais-je ?" sur La parité.
JACQUELINE MARTIN, maitresse de conférences en économie sociale, à la retraite, de l’université de Toulouse, membre du CERTOP. Fondatrice du Master professionnel « Genre et politiques sociales ».


On utilise généralement le terme d’homme politique comme si cela était réservé au genre masculin. Les femmes en politique sont souvent appelées par leur prénom, quand les hommes sont désignés par leurs noms. On relèvera les remous de ces derniers temps qui ont marqué les politiciennes : des femmes de l’hémicycle qui s’interdisent le port de la jupe, ou les sifflets qui ont retentis dans l’assemblée alors qu’une ministre se présentait en robe.
Au niveau international, la France est très mal classée sur le point de vue de la place qui est laissée aux femmes sur l’échiquier politique (69ème rang mondial).
En parallèle, on observe que la position occupée par les femmes de chefs d’Etat prend de plus en plus de place : place de TRIERWEILLER lors de la dernière campagne française, rôle de Michèle OBAMA dans la campagne de son mari (à noter qu’elle était la supérieure hiérarchique de son mari au moment de leur rencontre, elle a su réduire son rôle à l’extérieur pour se conformer à l’image de la femme « d’intérieur »).

            Petit retour historique :
Rappelons qui était Olympe de Gouges, native de Montauban, elle est partie à la capitale pour accéder à la  centralité du pouvoir. Elle était une des premières femmes féministes, visionnaire sur la place de la femme dans la société et qui s’est fait couper la tête pour sa prise de position politique. Elle était une femme engagée dans la lutte contre l’esclavage, contre le racisme et les inégalités hommes/femmes... De manière générale, elle se battait contre les inégalités fondées sur la naturalisation (couleur de peau/sexe), l’altérisation (l’autre est absolument différent) et une hiérarchisation.
Lors des dernières élections françaises, la place des femmes sur le plan politique n’a pas été oubliée avec la constitution d’un gouvernement paritaire, la nomination d’un ministère pour le droit des femmes et une assemblée nationale avec un tiers de femmes ; l’impression d’une vision optimiste pour l’avenir.
Seule ombre au tableau : on parle de parité et non d’égalité, ce n’est donc pas un aboutissement en soi pour les femmes. Il ne s’agit que d’un partage du pouvoir revisité. Les femmes ont gagné des responsabilités en politique sans perdre pour autant celles qu’elles avaient à charge à la maison. De plus, on peut se demander sur quels types de postes ? Quelles candidates dans quelles circonscriptions ? N’y a-t-il que la loi qui puisse faire avancer les femmes en politique ?
Quelques chiffres pour y voir plus clair : les femmes constituent 53% du corps électoral et seulement 3 régions et 3 départements sont présidés par des femmes. Dans le Tarn et Garonne, une seule femme est à l’assemblée départementale. On peut simplement noter une sensible évolution du nombre de femmes maires et conseillères générales.
Lorsque la loi est contraignante, on se retrouve avec des listes à 48% de femmes (pas 50% car les têtes de listes sont toujours masculines : rien n’est « obligatoire » dans ce cadre là). Il y a à la fois une féminisation dans les collectivités territoriales et une recomposition du pouvoir.
Il y a une hiérarchisation des inégalités par rapport aux groupes dominés. L’accès à la politique ne peut être un luxe, une fois que l’on aura l’égalité sur d’autres aspects.
Aujourd’hui pour la première fois dans l’histoire, le gouvernement est paritaire en France : mais qualitativement il ne l’est pas autant qu’en Espagne (comme avec le gouvernement Zapatero). La parité est par définition le partage à égalité du pouvoir mais n’est pas forcément la considération des femmes comme des pairs.

            Les femmes font-elle une politique différente ?
Dans les esprits, il est conçu que parce que ce sont des femmes, il faut que leur politique soit différente, qu’elles apportent des choses nouvelles. Ces attentes sont vraies pour la politique mais aussi dans le management, dans la gouvernance économique... Mais dans l’exercice du pouvoir : elles sont l’autre.
Ces idées s’appuient encore sur des stéréotypes : les femmes prennent moins de risques, elles sont plus réfléchies, plus prudentes, ce sont de bonnes gestionnaires... Donc, il faut la parité pour apporter de leur « sagesse ».
En politique ce sont des femmes souvent jeunes, jolies, issues de la diversité qui réussissent à percer : elles cumulent les « anciens handicaps » de la diversité pour atteindre ce genre de poste, et ces points deviennent leurs atouts pour rassembler, elles deviennent représentatives de groupes. On attend d’elles qu’elles rapportent des voix, qu’elles performent, autant qu’elles apportent une politique différente.

En France, la conception de la femme active est proche du mythe de Wonderwoman, elles doivent cumuler: féminité et vie professionnelle, au risque d’être méprisée, tout en continuant d’assurer la gestion de la maison. C’est typiquement français de théâtraliser : « j’assume tout ». Ces attentes ne se retrouvent pas dans les autre pays comme aux États Unis.

Malgré les évolutions, il faut rester vigilant que cette parité devienne une vrai révolution culturelle et non une résolution conservatrice des anciens schémas et stéréotypes qui ne permettent pas de penser la parité comme une égalité d’être mais comme une égalité de pouvoir.
La politique de mise en œuvre d’égalité est accélérée par la parité. Qualitativement des femmes ont pris des délégations aux droits des femmes, au patrimoine, à la culture... Mais en France la politique d’égalité n’est toujours pas une priorité.

Débat et questions :
Si une femme devient présidente, son mari devient « 1er Monsieur »?
Cela est difficile à concevoir dans l’imaginaire des français, qui ont un lourd passé aristocratique : ce n’est pas tant impossible d’avoir une femme à la présidence de la République, que de voir un homme relégué à son accompagnement.
C’est le vrai problème en France :
on considère que si la femme devient le « 1er sexe »,
l’homme devient le « 2ème sexe ».