mardi 3 décembre 2013

10 ans après : état des lieux et perspectives - 12 Novembre 2013



CONFERENCE 10 ANS APRÈS : ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES DE LA SITUATION DE LA FEMME DANS LA SOCIÉTÉ.

INTERVENANTS :



ROKHAYA DIALLO, animatrice télé et radio, chroniqueuse et fondatrice de l’association « Les Indivisibles »

BRIGITTE LAMOURI, chargée de Mission Départementale aux Droits des Femmes et à l’Égalité.

MARIE-CECILE NAVES, sociologue et politologue, docteur en science politique, membre de Think Tank Different dont elle est responsable des études du laboratoire politique. Elle vient notamment de terminer la co-rédaction d'un rapport sur les Stéréotypes filles-garçons dans l'enfance et l'adolescence, qui lui a été commandé par la ministre des Droits des femmes.

DANIEL WELZER-LANG, sociologue et spécialiste français de l'identité masculine, il est professeur de sociologie en études genres à l'Université de Toulouse Mirail. Il interviendra sur le sujet : "Effets des luttes des femmes sur les hommes, l'égalité en marche".





Le droit des femmes en France est très récent : c’est une histoire de 50 ans. Cette évolution rapide a été perturbante pour notre société et s’est vue limitée. La France produit beaucoup de textes pour l’égalité, mais rencontre des difficultés pour les mettre en place.



On entend souvent le discours « antiféministe » : « Vous avez déjà obtenu beaucoup, de quoi vous plaignez-vous ? ». Le combat féministe n’est pas un combat contre les hommes, mais plutôt contre le patriarcat, contre le système, les habitudes, le sexisme... Les ancrages dans les mentalités sont tellement nombreux et sous tellement de facettes que le combat sera bien long et difficile avant d’atteindre une réelle égalité.


Ce qui va aujourd’hui être déterminant pour le changement à venir est la méthodologie qui permettra la mise en place de l’égalité : prendre en considération les besoins actuels des hommes et des femmes le « gendermainstreaming » et le recours à des mesures positives pour corriger les inégalités en Union Européenne.



La France projette la mise en place de la transversalité des ministères avec les collectivités locales. 

La semaine de l’égalité 2013 abordait les sujets du plafond de verre dans la fonction publique, de l’approche de la mixité des métiers en 2014, et la mobilisation des entreprises.


Question : comment les ministères agissent-ils pour l’égalité ? Exemple pour le logement : quels sont les processus ? Etude de l’impact sur le fonctionnement législatif, quels sont les effets produits sur les hommes ? Sur les femmes ? Comment ces torsions peuvent-elles être corrigées ? 


      Des référents préfectoraux sont chargés de traiter ces questions :   
      -  HCE/fh

MIPROF

Au 21ème siècle, nous sommes la 3ème génération de droits des femmes) : 


-       La 1ère génération a subi une « discrimination légale » ;

-       La 2ème génération a vu la création de droits nouveaux ;

-       La 3ème génération, celle d’aujourd’hui, est celle de la lutte contre les stéréotypes et pour l’effectivité des lois.


Déjà des effets de la législation sur les parités quelques évolutions sont à noter :

·    En 10 ans, par deux fois un ministère a été centralisé sur le droit des femmes (en 2004 et 2012)

·     Il y a eu un éclatement des résistances : des femmes s’installent dans des métiers d’hommes.

·         
    L’égalité tangente dans des groupes importants avec des objectifs chiffrés : recrutement, carrières d’entreprise... Les entreprises ayant les moyens donne l'exemplarité sur le tissu économique des PME/PMI. Ex : GDF SUEZ 


On peut noter également l’adaptation des foyers : notamment pour la garde d’enfants (mais 80% des tâches ménagères sont encore réalisées par des femmes). Les systèmes de gardes d’enfants sont encore insuffisantes, il faudra encore des investissements pour améliorer le nombre de places proposées en structures.


Les stéréotypes sont encore très forts.


Des actions sont menées pour tenter d’agir plus en amont : ABC de l’égalité proposé aux primaires et enfants en bas-âge. Le but est de briser les inégalités d’habitudes. Certaines enseignes ont déjà appliqué l’inversion des genres sur les catalogues de jouets : exemple lecatalogue de jouets de Système U...


Mais les violences conjugales persistent et continuent de toucher une femme sur 10. Une femme sur 10 a également subi une agression sexuelle dans sa vie. Bien souvent le foyer est plus dangereux pour elle que la rue. Pour combattre ces violences un plan pluriannuel a été mis en place : il s’agit d’une politique interministérielle et partenariale avec une stratégie triennale sous la forme d’un plan global contre les violences.

Les chiffres de la violence : une femme meurt tous les 2.5 jours sous les coups (notons aussi que les victimes collatérales sont difficile à chiffrer, mais en nombre important : enfants, famille...). 
En 2010 : 75000 viols ont été déclarés (cela représente un viol toutes les 7mn...).


Les femmes et leur représentation.


Dans les médias, le temps de parole des femmes expertes reste faible. Elles sont toujours dans une différence par rapport à la norme « masculine » : exemple pour l’équipe de France, s’il s’agit de l’équipe féminine on le précisera dans le titre. Dans la publicité, on représente la femme à l’intérieur et les hommes à l’extérieur où s’ils sont liés à un produit ménager c’est qu’ils sont experts. Certes ils reproduisent la société mais caricaturale des destins des hommes et des femmes.

Dans ces 10 dernières années, 13 prix Nobel ont été remis à des femmes (alors que seulement 30 ont été remis à des femmes sur le dernier siècle).


Au niveau politique, des progrès sont encore à faire : la part des femmes à l’Assemblée Nationale et au Sénat est inférieure à 30%.  Seules 2 régions et 3 départements sont représentés par des femmes. 




Alors que dans un même temps, le taux d’emploi des femmes est de 59.7% (un des plus hauts d’Europe). Nous noterons que la polarisation des femmes se fait sur les emplois les moins qualifiés. Depuis les années 70, l’emploi des femmes augmente. Ceci est dû à l’essor des professions employant principalement des femmes (ceux qui étaient auparavant des emplois « gratuits » : ménage, soins, ...), mais aussi à certaines professions qui se féminisent (la France est légèrement au-dessus de la moyenne sur ce point là). 


La féminisation tend avec la nouvelle génération. Les inégalités sexuées ne sont pas liées au CSP : 2% des PDG d’entreprise sont des femmes (aucune femme à la tête d’entreprise au CAC 40). A noter que l’évolution de la féminisation des conseils d’administration est plus forte que dans d’autres pays de l’Union Européenne. 


Les écarts de salaires restent importants. Si l’on compare les salaires à poste et temps de travail équivalent, l’écart de salaire est d’environ 16%.

Les inégalités sont d’autant plus fortes dans les petites entreprises et les PME/PMI qui n’ont aucune obligation sur ce sujet.


Mais même dans les grandes entreprises « féminisées », les femmes n’ont pas les mêmes responsabilités que les hommes. La mixité ne suffit pas. Les entreprises acceptent parfois pour donner une image sociale par pénurie de main d’œuvre... Certains se sont aperçus que la diversification améliorait la performance des entreprises.


Les femmes qui arrivent à monter l’échelle d’entreprise sont souvent celles qui ont un parcours d’excellence, qui ont montré leurs compétences et fait leurs preuves sur leur propre projet.
 

La politique de promotion des femmes a également encouragé les femmes à se diriger vers les métiers scientifiques (mais concerne les catégories socioprofessionnelles supérieures). Souvent l’entrée en carrière femmes /hommes est différente avec un  écart de retard qui ne sera jamais rattrapé... La mobilité interne aux entreprises est souvent défavorable aux femmes qui n’osent peu ou pas demander une augmentation aux employeurs.


Des réseaux féminins se créent et commencent à peser, notamment sur les réseaux sociaux.


Les freins aux évolutions sont les habitudes et des freins psychologiques : les femmes s’occupent des enfants et ne peuvent pas rentrer tard... En France, la politique du « présentéisme » est aussi une discrimination inconsciente avec des stéréoptypes : ceux qui partent le plus tard sont plus avantagés car ils sont plus travailleurs (à la différence de l’Allemagne qui voit d’un mauvais œil ceux qui restent tard : supposés moins bien organisés).

Les professions de la magistrature et de la médecine se féminisent beaucoup : les anciennes générations voient se fait comme un problème leur attribuant des problèmes générationnels et non de sexe.


Dans le milieu politique, il est difficile pour une femme de faire sa place dans les partis qui fonctionnent par cooptation, gênant l’arrivée des femmes à des postes à responsabilité. Les femmes peuvent hésiter à s’engager en politique car on ne veut pas d’elle, de plus c’est un milieu violent. Les termes sont importants dans ce milieu et révèlent parfois les difficultés ; ex : un homme public est un homme politique, une femme publique est une prostituée.


Par la segmentation professionnelle hommes/femmes on s’aperçoit que seuls 17% des métiers sont mixtes (effectifs d’au moins 40% de chaque sexe dans la profession). Les métiers dits « masculins » présentent une plus grande palette liée au pouvoir et à la force ; les métiers dits « féminins » sont portés sur les soins, entretien,... Des métiers jugés « pas fatigants » (!!!).


Les enseignements dés le départ sont sexués : les garçons sont plutôt dirigés vers les maths alors que les filles sont orientés vers les métiers littéraires. La société a tendance à plus valoriser un garçon qui aura un CAP, qu’une fille qui aura un BAC généraliste. 20% des jeunes seront orientés après la 3ème sur des filières unisexuées : le sport (pour certains sports).


Les femmes et la famille.


Le  taux d’évolution des familles monoparentales est fort, avoisinant les 23.4% en France (34% en Tarn-et-Garonne !). Un tiers de ces familles monoparentales vivent en deçà du seuil de pauvreté : 90% de ces cas concernent des mères seules.


Les hommes peuvent-ils changer ? 


Dans la mesure où les femmes veulent changer, les hommes n’auront pas d’autres choix que de changer leurs habitudes. Il manque sur la place publique un lieu de débat et d’échange entre les hommes et les femmes.

Il y a un écart de préconçus entre les générations. Il a fallut attendre les années 80 pour voir des études sur les hommes. Mais on reste peu ou mal renseigné sur comment évoluent les hommes.


Depuis 1992 les mentalités ont un peu évolués. A cette époque l’égalité était inimaginable, alors qu’elle commence à apparaitre aujourd’hui comme normale. 


Dans les tâches domestiques, les hommes sont plus autonomes, car plus amenés à vivre seul à une période de leur vie (études, séparation...). Aussi, la confrontation des premiers couples est parfois difficile, les hommes ne voulant souvent pas appliquer ce que leur conseillent/demandent leur compagne.


Si l’on fait le parallèle avec des couples homosexuels, on s’aperçoit que la domination ne se fait pas par rapport au sexe mais plutôt par rapport à l’âge et/ou aux revenus.


La nouvelle génération présente de grosses différences avec l’ancien mode de vie des précédentes : elle veut plus de temps pour eux, leur famille, les enfants tant pour les hommes que pour les femmes. Ces différences sont souvent attribuées au fait que les femmes tendent à l’égalité alors qu’il s’agit d’une incompréhension intergénérationnelle.


La séparation des couples se passe relativement bien - rares sont ceux qui rencontrent des problèmes (environ 2%). Dans certains cas, les hommes se découvrent de nouvelles compétences (ils sont infantilisés par la société et leur rôle en couple). Les femmes elles peuvent se redécouvrir femmes.


La communication hommes/femmes est difficile car les canaux d’apprentissage et les normes véhiculées sont différents. Mais aujourd’hui les hommes associent le changement au plaisir. Ce n’est pas par la répression que l’on accèdera à l’égalité mais par l’éducation, la culture,...



Tout en rappelant le chemin qu’il reste à faire, 
il ne faut pas oublier de valoriser les efforts réalisés.